III - Emissions de CO2

            Le bilan de CO2 de l’E85 doit tenir compte du CO2 absorbé mais aussi de la quantité de CO2 rejetée.
Nous avons vu que les plantes destinées à la fabrication de l’E85 absorbent pendant leur croissance une quantité importante de CO2 ce qui permet une réduction de ce bilan de CO2 de l’E85 en comparaison avec celui de l’essence.

            Nous allons maintenant étudier de manière quantitative les rejets de CO2 de l’E85 en comparaison avec ceux de l’essence pour savoir si il existe des différences entres les émissions de CO2 de ces deux carburants au moment de la production et de la combustion.

a)     Rejet de CO2 lors des productions de l’essence et de l’E85

            Nous regroupons, sous le terme de production, la culture (pour l’E85), la transformation industrielle ainsi que le transport. Les émissions de CO2 diffèrent suivant les lieux de production pendant la transformation industrielle. En effet celle-ci est décomposée en un très grand nombre d’étapes dont l’ordre et la fréquence changent suivant les usines. De plus, dans le cas de l’E85, la nature même des plantes choisies pour la fabrication de l’éthanol influe sur les rejets de CO2 du fait des différences de transformation industrielle et du fait des différences de rendements.

Nous utiliserons donc des moyennes des rejets de CO2  à partir de l’étude ADEM/DIREM qui fait référence dans le milieu professionnel.

Les chiffres suivants correspondent au rejet global de CO2 intervenant pendant la transformation industrielle, le transport et la culture (pour les carburants d’origine végétale) :

Carburant

Ethanol blé

Ethanol betterave

Essence

Gazole

Rejet de  CO2 par quantité de carburant produit (g.kg-1)

922

902

444

277

Même si ces chiffres datent de 2002, nous ne tiendrons pas compte de la réduction probable de ces chiffres pour l’éthanol entre 2002 et 2007 qui serait due à :

- l’amélioration des rendements des cultures et changements des pratiques culturales  

- la récupération d’une partie du CO2 issu de l’étape industrielle de fermentation            

- l’amélioration du schéma énergétique lors de la transformation industrielle

            Effectuons alors la moyenne de ce rejet entre l’éthanol de blé et l’éthanol de betterave qui sont les deux types d’éthanol utilisés en France :

Carburant

Ethanol

 

Essence

 

Rejet de  CO2 par quantité de carburant produit (g.kg-1)

912

444

 

 

 

 

Intéressons nous alors à la masse de CO2 rejetée par litre de carburant produit :

Carburant

Ethanol

 

Essence

 

Rejet de  CO2 par quantité de carburant produit (g.L-1)

720.5

333

 

 

 

 

Puis calculons le rejet de CO2 dans le cas de l’E85 :
1 L (E85) = 0.15 L (essence) + 0.85 L (éthanol)

Essence                                                                          

Volume de carburant produit en L

  1

 0.15

Masse de CO2 rejeté en g

333

 X1= 50


       Ethanol

Volume de carburant produit en L

  1

 0.85

Masse de CO2 rejeté en g

 720.5

 x2 = 612


La production d’un litre d’E85 rejette donc 662g de CO2.

            Nous trouvons donc que la culture (tracteurs), la transformation industrielle et le transport (des usines au réseau de distribution) d’un litre d’E85 rejette, en ne comptabilisant pas le CO2 absorbé par la photosynthèse, 662 grammes de CO2. L’étude ADEM/DIREM précise ces chiffres en ajoutant que ce CO2 provient à 20% de la culture, à 70% de la transformation industrielle et à 10% du transport.    

Masse de CO2 rejeté par litre de carburant produit :

Carburant

E85

 

Essence

 

Rejet de  CO2 par quantité de carburant produit (g.L-1)

662

 

333

 

 

 

 

 

            La quantité de CO2 rejetée pour la fabrication d’un litre d’E85 est donc deux fois supérieure à celle rejetée pour la fabrication d’un litre d’essence. Alors que la photosynthèse réduit le bilan de CO2 de l’E85 comparé à celui de l’essence, la production de l’E85 tend à augmenter ce bilan de CO2 par rapport à celui de l’essence. Pourtant l’intérêt de ce bioéthanol n’est pas pour autant remis en cause puisque les rejets de CO2 de la production des carburants interviennent de manière beaucoup moins significative que la photosynthèse pour le bioéthanol  et que la combustion comme nous le verrons par la suite. De plus, ces chiffres datent de 2002 et la même étude ADEM/DIREM prévoit, dans un scénario prospectif, une baisse de 40% des émissions de CO2 pour le bioéthanol durant sa production du fait du développement de la transformation industrielle et de l’amélioration de la culture contre seulement 4% pour les carburants fossiles.

b)    Rejet de CO2 lors des combustions de l’essence et de l’E85

            Calculons maintenant la quantité de CO2 rejetée par litre d’essence brûlé afin de la comparer ensuite à celle rejetée par litre de bioéthanol E85 brûlé. Comme ces rejets diffèrent suivant les modèles de véhicules, les calculs suivants ne seront que des approximations. Ces dernières resteront quand même exploitables puisque les méthodes de calculs resteront les mêmes pour l’essence et pour l’E85.

            L’essence est un mélange de plusieurs centaines d’hydrocarbures. Pour sa combustion nous prendrons par simplification l’équation de combustion complète des alcanes :

CnH2n+2 + (1.5n+1/2)O2       nCO2 + (n+1)H2O

            Et plus particulièrement l’équation de combustion complète de l’octane qui est l’alcane le plus représentatif de l’essence : C8H1825/2 O2 →  8CO2 + 9H2O

 On sait que :
V (C8H18) = 1 L
ρ (C8H18) = 7.4*102 g. L-1 
M (C8H18) = 114 g.mol-1

AN : n (C8H18) = 6.5 mol

 Dressons alors le tableau d’avancement de la combustion :

équation

                         13/2 C8H18      +    325/4 O2   →    52  CO2  +   117/2  H2O 

Etat

Avancement (mol)

Quantité de matière (mol)

initial

0

6.5

81.25

0

0

en cours

X

6.5-6.5X

81.25-81.25X

52X

58.5X

final

Xm

6.5-6.5Xm

81.25-81.25Xm

52Xm

58.5Xm

 

n (CO2) = 52 mol
M (CO2) = 44 g.mol-1

AN : m (CO2) = 2.3 kg

 Un véhicule consommant un litre d’essence va donc rejeter près de 2.3 kilos de dioxyde de carbone.

            Cela confirme le fait que les rejets de CO2 de la production interviennent de manière beaucoup moins significative dans le bilan de CO2 que ceux de la combustion car pour l’essence, ils sont presque sept fois supérieurs au moment de la combustion qu’au moment de la production. La supériorité des émissions de CO2 pendant la production de l’E85 ne permet donc pas de remettre en cause la réduction globale de dioxyde de carbone.

            Réalisons un calcul semblable avec de l’éthanol pour pouvoir calculer ensuite le rejet de CO2 par un véhicule utilisant le bioéthanol E85.

On part de l’équation de la combustion complète de l’éthanol :

CH3CH2OH + 3 O2 2 CO2  + 3 H2O
On sait que :
V (C2H5OH ) = 1 L
ρ (C2H5OH ) = 7.9*102 g. L-1 
M (C2H5OH ) = 46 g.mol-1
AN : n (C2H5OH ) = 17.2 mol

Dressons alors le tableau d’avancement de la combustion :

Equation chimique                                                                                                

  86/5  C2H5OH      +   258/5 O2         172/5  CO2   + 258/5  H2O 

Etat

Avancement

Quantités de matière en moles

Initial

X = 0

17.2

51.6

 

0

0

En cours

X

 17.2 – 17.2 X 

51.6 – 51.6 X

 

34.4 X  

51.6 X  

Final

Xm

 17.2 – 17.2 Xm

51.6 – 51.6 Xm

 

34.4 Xm

51.6 Xm

 
n (CO2) = 34.4 mol
M (CO2) = 44 g.mol-1
AN :   m (CO2) = 1.5 kg

 Un véhicule consommant un litre d’éthanol va donc rejeter près de 1.52 kilos de CO2.

1 L (E85) = 0.15 L (essence) + 0.85 L (éthanol)

 Or, d’après les résultats précédents, la combustion de 0.15 L d’essence rejette 0.35 kg de CO2 et celle de 0.85 L d’éthanol rejette 1.30 kg de CO2.
m(CO2) = 1.65 kg

            Un véhicule consommant un litre d’E85 va donc rejeter près de 1.65 kilos de CO2. A première vue la combustion de l’E85 permettrait une baisse importante du rejet de CO2 comparée à celle de l’essence puisque la combustion d’E85 dégage 1.4 fois moins de CO2 que celle de l’essence pour le même volume de carburant brûlé.

c)     Influence de la valeur énergétique de l’E85 sur ses émissions de CO2

            Cependant il est essentiel de considérer ce rejet par rapport à la distance parcourue car la quantité d’énergie par unité de volume de l’E85 est  inférieure à celle de l’essence. Ainsi, en terme de distance parcourue : 

1 L (essence) = 1.3 L (E85)

            Il faut donc 1 litre d’essence pour effectuer la même distance que celle parcourue avec un véhicule utilisant 1.3 L d’E85.

            Pour calculer le taux de CO2 rejeté prenons, pour exemple, une voiture essence consommant 8 litres de carburant pour 100 kilomètres. En utilisant les résultats précédents nous trouvons que cette voiture rejette 184 grammes de CO2 par kilomètre. La version flex fuel de cette voiture (véhicule utilisant du bioéthanol E85)  consommera 10.4 litres d’E85 pour 100 kilomètre et rejettera alors 172 g de CO2 par kilomètre parcouru.

carburant

essence

bioéthanol E85

masse de CO2 rejeté par kilomètre en g.km-1

184

172

           

    Même si ces chiffres restent des approximations  les émissions de CO2 étant propres à chaque véhicule, ils nous permettent de trouver un rejet de CO2 très proche entre l’essence et l’E85 pour une même distance parcourue. Nous en concluons qu’au moment de la combustion le rejet de CO2 est semblable pour ces deux carburants compte tenu de la moindre la quantité d’énergie par unité de volume de l’E85.

            Cependant cette différence de la quantité d’énergie par unité de volume devrait être compensée par le développement des technologies flex fuel. Ainsi certaines récentes expérimentations avec les derniers moteurs flex fuel semblent aller en faveur de l’E85 puisque l’écart de consommation mesuré n’était plus de 30% comme pour les premiers essais mais entre 20 et 25% ; cet écart se réduisant en cas de conduite sportive.

Conclusion de la partie :

            En excluant la photosynthèse, la production du bioéthanol E85 dégage une quantité de CO2 supérieure à celle de la production de l’essence et moment de la combustion, le rejet de CO2 est très proche pour ces deux carburants. Même si dans le cas de l’E85 ces émissions diminueront à moyen terme c’est donc exclusivement la photosynthèse, intervenant pendant la croissance des plantes, qui permet une réduction du bilan de CO2.

CONCLUSION GENERALE