I - La production du bioéthanol
Le bilan CO2 d’une filière biocarburant dépend du processus de transformation de la plante utilisée. Il faudra donc s’intéresser au processus de production du bioéthanol E85.
a) Les filières de biocarburants
Deux principales filières de
biocarburants sont à ce jour exploitées industriellement : la filière éthanol pour les moteurs à essence et la
filière huile végétale pour les moteurs diesel.
Nous
avons donc dû faire un choix entre ces deux filières. Bien que les moteurs
diesel représentent 70% du parc automobile français, nous avons choisi le
bioéthanol. D’une part, le biodiesel est beaucoup plus coûteux à produire.
Il est plus intéressant pour la France de remplacer l’essence par de l’éthanol
et de réserver le pétrole à la fabrication du gazole. D’autre part, c’est de
très loin le premier biocarburant mondial avec une production de 36 millions de
tonnes en 2005, contre 5 millions de tonnes pour le biodiesel.
Le
bioéthanol E85 est disponible à la pompe en France depuis le 1er
janvier 2007. Il y a 17 pompes ouvertes aujourd’hui (au 4 mars 2007) et il devrait y en avoir
500 d’ici à la fin de l’année.
b)
Composition chimique du bioéthanol E85
Le bioéthanol E85 est composé à 85% en volume d’un alcool, l’éthanol appelé aussi alcool éthylique, le même que l’on trouve dans les boissons, de formule semi-développée CH3-CH2-OH, et de 15% d’essence
Formule développée de l'éthanol
c) Composition de l’essence sans plomb 95
L’essence sans plomb 95 est constituée d’hydrocarbures variés (saturés ou insaturés) dont les proportions sont variables :
-
20 à 30% d’alcanes (octane et heptane) hydrocarbures
saturés de formule CnH2n+2
-
5% de cycloalcanes, hydrocarbures saturés cycliques
-
30 à 45% d’hydrocarbures aromatiques, de la famille du
benzène
-
30 à 45% d’alcènes, hydrocarbures non saturés
d) La production du bioéthanol
L’éthanol peut être produit de deux manières différentes. Il peut être produit par hydratation catalytique de l’éthylène selon la réaction :
C2H4 (g) +
H2O (g) --------> C2H6O (g)
Cependant, l’éthylène est un hydrocarbure insaturé de la
famille des alcènes, produit de base de l’industrie pétrochimique. L’éthanol
ainsi obtenu est donc issu d’énergies fossiles.
L ‘éthanol
contenu dans ces carburants est produit à partir de la biomasse. Voilà pourquoi
on l’appelle bioéthanol.
Le bioéthanol est produit par la
fermentation des sucres simples (essentiellement glucose) contenus dans
les
plantes riches en sucre (betteraves, topinambours, canne à
sucre...) ou en
amidon (pomme de terre, céréales). Dans les plantes dites
sucrières, le
saccharose produit est extrait par diffusion. Dans les
céréales, il est nécessaire d’hydrolyser
l'amidon extrait par des enzymes pour obtenir
les sucres.
La
fermentation alcoolique est
une réaction chimique qui, à l’aide de
micro-organismes (levures, bactéries),
transforme des sucres fermentescibles (glucose, saccharose) en alcool
et dioxyde de carbone avec dégagement de chaleur :
C6H12O6 -----------------> 2C2H6O + 2CO2 +
énergie
La production de bioéthanol en France est aujourd’hui assurée à 70% à partir de betteraves et à 30% à partir de céréales, un pourcentage qui va évoluer dans les prochaines années, avec la création de distilleries qui auront pour matières première des céréales. Ces filières génèrent des coproduits tels les vinasses ou les pulpes de betteraves, qui interviennent pour beaucoup dans le coût de production de l’éthanol, car pouvant être utilisées pour l’alimentation animale.
L’éthanol
ainsi obtenu est
ensuite distillé pour être séparé de ses
résidus et déshydraté de façon à
obtenir un alcool anhydre à indice d'octane élevé.
Toute l'eau doit en être
enlevée parce qu'un mélange eau-alcool ne peut pas se
dissoudre dans l'essence.
L'éthanol-carburant est un alcool dénaturé :
il est impropre à la
consommation parce qu'on y ajoute une petite quantité d'une
substance nocive, de l'essence dans ce cas précis.
e) Pourquoi ne pas rouler à l’E100 ?
Avant d’être distribué, le
bioéthanol est coupé avec 15% d’essence sans plomb 95 en volume. En effet, la chaleur latente de vaporisation de l’éthanol est 2.4 fois plus
élevée que celle de l’essence. L’éthanol est donc encore liquide aux
températures où l’essence commence sa vaporisation. Autrement dit, il faut une
énergie plus importante pour obtenir la vaporisation de l’éthanol, étant donné
que le mélange air-essence ne s’enflamme qu’à l’état gazeux. Cette
caractéristique peut amener des difficultés lors d’un démarrage à froid et une
teneur minimale en essence est donc nécessaire pour garantir le fonctionnement
à froid du véhicule. Néanmoins, sous le climat tropical du Brésil, il est
possible de rouler à l’E100.
Le bioéthanol nécessite des voitures spéciales appelées
flex fuel, avec des pièces renforcées car l’éthanol est plus corrosif et le
moteur doit être capable d’adapter son fonctionnement à des proportions
d’éthanol comprises entre 15 et 85%, d’où l’installation de capteurs et
dispositifs spécifiques.
f) Comparaison entre l’essence et le bioéthanol
Les constituants de l’essence sont, pour l’essentiel, issus de la distillation du pétrole, alors que le bioéthanol est une énergie renouvelable, non fossile. Le principal avantage du bioéthanol sur l’essence sans plomb 95 est donc de rejeter lors de sa combustion du CO2 déjà présent dans l’atmosphère au lieu de CO2 fossile, qui s’ajoute à celui déjà présent et contribue à l’accroissement de l’effet de serre.
Néanmoins, le bioéthanol contient tout de même 15% d’essence en volume. Et la consommation en carburant est plus importante. Pour l'expliquer, deux caractéristiques des carburants interviennent : l'indice d'octane et la quantité d’énergie par unité de volume. Cette dernière sera explicitée dans une partie ultérieure.
Voyons comment la différence d'indice d'octane entre l'essence et le bioéthanol entraîne une légère surconsommation.
|
Essence sans plomb 95 |
Bioéthanol |
Indice d’octane |
95 |
110-115 |
L’indice
d’octane désigne la capacité d’un carburant
à résister à la détonation
spontanée sous l’effet de la pression et de la
température. Il prend pour références 2 composants
de l'essence, le 2.2.4-triméthylpentane, un isomère de
l'octane (C8H18) très peu détonant grâce à
une chaîne carbonée très ramifiée, et
l'heptane (C7H16), très détonant parce que
présentant une chaîne de 7 carbones en ligne. Par
convention, l'indice d'octane du 2.2.4-triméthylpentane
est de 100, celui de l'heptane de 0. Tout nouveau carburant
nouvellement normé est testé dans un moteur
expérimental. On dit qu'il a un indice d'octane de 95 lorsqu'il
se comporte comme un mélange de 95% d'iso-octane et de 5%
d'heptane. Par extrapolation, on peut même définir des
indices d'octane supérieurs à 100.
L'indice d'octane du bioéthanol est sensiblement plus élevé que celui de l'essence. Cette caractéristique repousse l'une des limites du moteur à allumage commandé : le cliquetis. C'est le phénomène qui apparaît à pleine charge lors de la phase de compression lorsque, sous l'effet combiné de l'augmentation de température et de pression, le mélange air-essence explose plutôt que de s'enflammer progressivement au contact de l'étincelle de la bougie.
Le cliquetis intervient d'autant plus tôt que l'indice d'octane du carburant est faible ou que le rapport volumétrique du moteur est élevé. Un indice d'octane plus élevé autorise donc un rapport volumétrique de compression (rapport du volume de la chambre de combustion entre le moment où le piston est au point mort bas et celui où il est au point mort haut) plus élevé. L'énergie interne du mélange est donc plus importante, d'où une augmentation de puissance et de couple du moteur mais aussi de consommation, puisqu’un plus grand volume d’essence est admis à chaque fois dans la chambre.
Première conclusion : Au niveau de la production et de la composition chimique, le bioéthanol possède un avantage sur l’essence sans plomb : il fait appel à la biomasse plutôt qu’aux énergies fossiles non renouvelables. Cela contribue donc à la réduction des émissions de CO2 fossile. Cependant, il subsiste toujours des émissions de CO2 fossile, étant donné que le bioéthanol E85 contient 15 % d’essence en volume et que la consommation est plus importante, en partie due à un indice d'octane plus élevé.
Il faut maintenant expliquer quel est le mécanisme qui permet cette diminution de CO2 fossile.